Affiche du "Dernier Show". Photo: Giấy Trắng |
Un soir, juste avant de m’endormir, je tombe sur une vidéo TikTok annonçant un concert intitulé “Lần Show Cuối” (le dernier show). Si vous aimez le groupe Ngọt et leur chanson “Lần Cuối” (La dernière fois), vous aussi, vous auriez pu croire qu’il s’agissait d’eux. Mais en réalité, c’était juste un joli jeu de mots. Et je me suis dit: il faut absolument que j’y aille.
Longtemps après, j’ai enfin compris. Ce concert marquait la fermeture imminente du café Cộng Đồng, situé au 72/72 rue Tôn Thât Tùng, dans le quartier de Kim Liên, à Hanoï. Depuis un an, ce lieu était devenu le refuge habituel de ces jeunes musiciens.
Le soir venu, au café Cộng Đồng, il n’y avait plus une seule place. Les spectateurs débordaient jusque dans la rue, la salle vibrait déjà d’énergie. Devant la foule, j’ai dû rebrousser chemin, un peu frustré, mais aussi curieux: qui étaient donc ces jeunes capables d’attirer autant de monde?
Le café Cộng Đồng a fermé ses portes le 10 juillet, après un dernier concert chaleureux. Le groupe a offert à ses fans une soirée inoubliable, pleine de musique et de souvenirs. Photo: Giấy Trắng
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Quelques jours plus tard, je retrouve le groupe Giấy Trắng, cette fois dans un calme relatif, au même café vidé de son public. Ils sont cinq autour de moi: quatre musiciens et leur manager. Khoa, fondateur, guitariste lead et responsable des réseaux sociaux, me présente les membres: Hoàng, chanteur principal, compositeur et parolier; Dương, bassiste et producteur; Minh Trình, batteur et benjamin du groupe. Long (guitariste rythmique) et Trần Kiên (claviériste) n’ont pas pu être là ce jour-là, mais Khoa ne manque pas de les mentionner lorsqu’il raconte l’histoire du groupe. Et enfin, leur manager, Kỳ Phong.
«Officiellement, on est six plus un manager. Il y a déjà eu beaucoup de changements dans le groupe, trois fois en tout. Parfois on n’avait plus de bassiste, parfois plus de batteur, ou les deux. C’était difficile. Mais rencontrer Dương et Hoàng, ça a été un vrai coup du destin», dit-il.
La plupart des membres ont découvert la musique presque par hasard.
«Avant, je gérais un club, mais je ne jouais pas. Puis, en voyant les autres jouer, j’ai eu envie d’essayer. Je me suis mis à la batterie, parce qu’on manquait de batteur dans le club. Et de fil en aiguille, je m’y suis attaché», raconte Minh Trình, timide.
Dương, lui, garde les pieds sur terre. Pour lui, la qualité est une marque de respect envers ceux qui les écoutent.
«On ne peut pas monter sur scène et infliger au public un mauvais son. Si la qualité n’est pas là, alors même avec une super scène, ça ne vaut rien. On a donc beaucoup investi dans notre matériel pour assurer un son digne de ce nom», partage-t-il.
Les membres sont passionnés par les mélodies. Photo: Giấy Trắng
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À six, les tensions sont inévitables.
«Entre artistes, il y a toujours des désaccords. Sur la façon de jouer, sur l’arrangement des morceaux,… Mais à force, on apprend à se comprendre et à trouver un terrain d’entente», confie Khoa.
Et pour cadrer tout ce petit monde, ils ont une règle d’or:
«Kỳ Phong, notre manager, c’est la loi. Chez nous, c’est lui qui tranche», ajoute-t-il.
Quant à leurs ambitions, elles sont modestes mais claires.
«On espère sortir un vrai album, de qualité. Que chacun de nous devienne excellent dans son domaine. Et d’ici cinq ans, pouvoir jouer sur une scène, pas forcément immense, mais avec un public qui nous aime et nous soutient», précise Kỳ Phong.
Mais pour l’instant, leur attention est sur une chanson qui leur tient particulièrement à cœur: Kẻ Trộm (Le Voleur).
«Cette chanson est inspirée du manga et anime rock Beck. C’est le voyage d’un artiste de rue, avec des nuances sombres et lumineuses, mais toujours avec ce désir de rentrer chez soi. Même après avoir parcouru toutes les routes, sans amis, sans famille, ça n’a plus de sens. Ce qu’il veut, au fond, c’est revenir à la maison», dévoile Hoàng, le chanteur.
De gauche à droite: Hoàng (chanteur), Khoa (fondateur & guitariste), Minh Trình (batteur) et Dương (bassiste). Photo: Giấy Trắng |
Quand Khoa me fait écouter la démo de Kẻ Trộm, les premières notes résonnent dans le silence de la salle. Un morceau brut, vibrant, sincère, à l’image de ces jeunes qui, après Le Dernier Show, continuent d’écrire leur histoire page blanche après page blanche.
Dans un coin de la salle, j’aperçois Thảo, la propriétaire du café. Elle les regarde, bras croisés, un sourire discret aux lèvres. Quand je lui demande ce qu’elle ressent en voyant ce dernier show, elle répond simplement:
«Quand j’ai rencontré le groupe Giấy Trắng, ils étaient encore très hésitants. Au départ, tout était un peu brouillon, un peu amateur, mais on sentait déjà une vraie passion, une énergie incroyable. Ce qui m’a marquée, c’est qu’ils étaient peut-être débutants, mais ils jouaient avec une confiance et une fougue rares. Et puis, au fil du temps, ils se sont vraiment recentrés sur leur musique. Ils ont commencé à se professionnaliser, à structurer leur travail, à investir davantage dans leur parcours artistique. Leur professionnalisme n’est peut-être pas encore au niveau des grands noms, mais on sent une vraie évolution», note-t-elle.
Peut-être que ce soir-là n’était que la fin d’un chapitre.
Et “Le Voleur”, ce rêve de rentrer chez soi, ne fait que commencer…