Numéro artistique «Comme si l’Oncle Hô était là, en ce jour de grande victoire». Photo: Quynh Anh

Devant le chapiteau, c’est l’effervescence. Il est 15 heures. Le soleil tape encore, mais personne ne s’en soucie. Les enfants sautillent d’impatience, drapeaux à la main. Les parents, eux, préparent leur téléphone, tendent une bouteille d’eau à un petit surexcité, où échangent quelques mots avec d’autres membres de la famille.

15.000 billets ont été écoulés en six jours de représentations. Photo: Quỳnh Anh

Quelques rires fusent. Un haut-parleur annonce le début imminent du spectacle. La tension monte, doucement. L’ambiance est électrique.

Puis les lumières s’éteignent. Le silence se fait. Et soudain… la scène explose.

Un acrobate s’élance dans les airs, tournoie à plusieurs mètres du sol. Suspendu entre ciel et terre. Un chien malicieux bondit à travers un cercle enflammé. Plus loin, un numéro de vélos acrobatiques défie les lois de l’équilibre, tandis qu’un groupe d’artistes enchaîne les sauts à la corde avec une précision millimétrée. Chaque tableau est un condensé de maîtrise, de virtuosité… et d’émotion.

Numéro «La flamme des Hauts Plateaux du Centre». Photo: Quỳnh Anh

Mais ici, le spectaculaire est au service du sensible. Chaque numéro porte un message. Un souffle patriotique. C’est un cirque qui raconte l’histoire du Vietnam, sans un mot – mais avec des corps en mouvement.

“J’ai regardé du début à la fin, madame! Je n’ai pas arrêté de rire! Et quand les artistes ont commencé à voler dans les airs, j’ai crié "waouh" plus fort que les autres!” nous dit un enfant.

Les artistes suspendus à de longues étoffes rouges offrent une performance saisissante. Photo: Quỳnh Anh

Loin d’un simple divertissement, "La Fête de la Patrie" touche aussi les adultes.

“En fait, j’avais déjà emmené ma fille voir un spectacle de cirque quand elle avait 4 ans. Et à 6 ans, on y est retournées. Même si les prix des billets doublent pendant les jours fériés, je continuerai à l’y emmener.” indique une mère.

Curieux, Tùng redécouvre le cirque après quinze ans d’absence.

“J’ai vu une vidéo sur TikTok, faite par des étudiants en journalisme. Ça m’a intrigué. Et puis, c’est le 50^e anniversaire de la réunification du pays… Tout ça réuni m’a donné envie d’y aller. Ce qui m’a le plus marqué? Les acrobaties. On sent l’engagement, les heures d’entraînement, le risque”, partage-t-il.

Courage. Discipline. Émotion. C’est ce que ressent également Thuỳ Dương, venue avec ses amis.

“J’ai toujours suivi l’actualité du cirque vietnamien. Mais aujourd’hui, j’ai senti quelque chose de plus. L’esprit national était partout. Et ce final, avec les chapeaux coniques suspendus… incroyable! Je savais que ce numéro avait gagné un prix international, mais en vrai, c’est encore plus fort”, dit-elle.

Le numéro «Balançoire à chapeau conique pour 4 femmes» a remporté la médaiile d’argent au 8e Festival mondial du cirque en Russie Photo: Quỳnh Anh

Derrière cette magie: des mois de répétitions. Des blessures parfois. Des doutes aussi. Mais toujours, une passion brûlante. Celle que porte Tông Toàn Thang, directeur du Cirque Central et metteur en scène du spectacle.

“À travers notre travail, nous souhaitons changer le regard du public sur le cirque. Ce que les spectateurs ne voient pas, ce sont les larmes en coulisses. Moi, j’ai souvent pleuré en écrivant ces spectacles. Et si moi je pleure, c’est que j’ai trouvé la bonne émotion. Et je sais que le public pleurera aussi. Parce que l’émotion, c’est universel. Nous avons une troupe de talents, formés ici grâce au soutien de l’État. Peu d'institutions, en dehors de pays comme la Russie, la Chine ou le Canada – où la formation est souvent privée et payante – ont la possibilité de former gratuitement des artistes comme nous. Et c’est notre devoir de leur donner la scène qu’ils méritent”, note-t-il.

Tông Toàn Thang, directeur du Cirque Central et metteur en scène du spectacle. Photo: Quỳnh Anh

Un devoir, mais surtout une mission: faire rayonner le cirque vietnamien dans le monde. Le moderniser sans le trahir. Et rappeler, en silence, qu’un salto bien exécuté peut parfois raconter plus qu’un long discours.

À la sortie du chapiteau, les enfants rient encore. Les parents prennent des selfies sous les derniers rayons du soleil. Et dans les regards brillent les émotions du spectacle.

Ce jour-là, chacun est reparti avec un souvenir. Et un peu de fierté aussi – celle d’un art national qui se réinvente, sans jamais perdre son âme.