Ama H’Loan. Photo Hong Bac/VOV
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Ama H’Loan habite à
Ako Dhong, un village de la province de Dak Lak, sur les hauts-plateaux du
Centre. Il fabrique et joue de tous les instruments de son ethnie, les Ede.
Mais les occasions d’en jouer se raréfient et bien des instruments ethniques ne
restent plus que dans la mémoire des anciens. Ne supportant pas l’idée que ce
patrimoine soit voué à disparaître, il passe son temps à fabriquer toutes
sortes d’instruments traditionnels dont il connaît l’usage et à chercher des
artisans pouvant lui apporter un savoir-faire pour en sauvegarder d’autres. Ses
efforts ont finalement porté leurs fruits. Sous ses mains habiles, les
matériaux comme le bambou, la corne de buffle, la calebasse sèche ou la cire
d’abeille s’assemblent en instruments de musique. Ainsi les dinh nam, dinh puot
et takta ont été ressuscités, retrouvant peu à peu leur place dans des fêtes
villageoises et des spectacles au niveau national. Ama H’Loan raconte:
“Je me suis beaucoup
déplacé et j’ai constaté avec peine qu’on ne trouvait plus de dinh puot, dinh
nam… Les processus de disparition et d’oubli de nos instruments traditionnels sont
bien réels. En 1999, une fois à la retraite, j’ai passé des mois à réfléchir
sur la façon de les sauver. J’ai commencé par reproduire les instruments qui me
tenaient le plus à cœur. Lorsque j’en jouais, les villageois étaient fous de
joie, les octogénaires et les nonagénaires me félicitaient d’avoir réveillé
leurs souvenirs de jeunesse.”
Luong Xuan Nghiep,
un Thai vivant à Con Cuông. Photo hong Bac/VOV
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La passion pour la
musique traditionnelle d’Ama Loan ne trouve d’égal que chez Luong Xuan Nghiep,
un Thai vivant à Con Cuông, dans la province centrale de Nghe An. Il a créé un
club, qui réunit aujourd’hui une quarantaine de membres, dont le but est de
donner une nouvelle jeunesse aux chants folkloriques de son ethnie. Il
recherche, fabrique et conserve minutieusement des instruments anciens de la
famille des flûtes ou des violes… Luong Xuan Nghiep explique:
“Les jeunes
d’aujourd’hui préfèrent la musique moderne et ne s’intéressent pas au folklore
ethnique. J’ai créé ce club pour qu’ils n’oublient pas nos traditions. Je leur
ai appris à jouer des instruments traditionnels, à chanter des airs anciens et
à y prendre goût. La moitié des membres du club sont très jeunes. Tous mes
petits-enfants en font partie.”
Les musiciens et
chanteurs en herbe du club de Luong Xuan Nghiep sont souvent invités pour des représentations,
même hors de leur province, contribuant ainsi à mieux faire connaître la
richesse musicale des Thai.
L’enjeu principal
maintenant pour Ama H’Loan et Luong Xuan Nghiep est de trouver des successeurs
suffisamment dévoués pour continuer leur travail de préservation et de
revalorisation du patrimoine. Ama H’Loan le confirme:
“Beaucoup de choses se
sont perdues, ceux qui savent jouer des instruments anciens ne se comptent plus
que sur les doigts d’une main. Moi, j’ai déjà 79 ans. J’ai peur de ne pas
trouver de gens capables de fabriquer et de jouer de ces instruments
traditionnels. J’ai fait part de ma préoccupation aux autorités compétentes
pour qu’elles y réfléchissent sérieusement.”
La balle est dans le
camp des autorités publiques qui, elles-seules, pourront mettre en place des
dispositifs de sauvegarde du patrimoine à grande échelle et ainsi pallier
l’insuffisance de l’action de ces deux hommes, malgré leur passion. C’est à ce
prix que l’on entendra encore résonner dans le futur les mélodies transmises à
travers les âges.