Le président syrien Bachar al-Assad (gauche) se rend aux Émirats arabes unis pour une visite surprise. Photo: Palais présidentiel de Damas.

La visite aux Émirats arabes unis du président syrien, Bachar al-Assad, intervient dans un contexte particulier où la guerre civile syrienne est entrée dans sa onzième année et le processus de réconciliation et de concorde nationale n’a pas abouti à des résultats définitifs. Cependant, grâce à l’aide de la Russie et de certains de ses alliés, le gouvernement du président Bachar al-Assad a pris le contrôle de grandes parties des régions stratégiques du pays et cherche à relancer les liens avec la communauté internationale, afin de rompre son isolement international qui dure depuis de nombreuses années. Parallèlement à cela, les Émirats arabes unis jouent un rôle de plus en plus important dans la connexion et la réconciliation entre les anciens ennemis de la région.

Influencée par l’effet domino du «Printemps arabe», la Syrie est tombée dans une guerre civile sanglante début 2011 et avait été exclue de la Ligue arabe quelques mois plus tard. Après cela, Damas avait également été isolée des pays voisins, lorsque de nombreux pays arabes, dont les Émirats arabes unis, ont simultanément annoncé la rupture des relations diplomatiques avec la Syrie en février 2012. Cependant, après des années de lutte acharnée, le gouvernement du président Bachar al-Assad a progressivement repris le contrôle du pays et fait d’importants progrès pour briser l’isolement international. En décembre 2018, les Émirats arabes unis ont rouvert leur ambassade à Damas. Près de trois ans plus tard, en novembre 2021, le ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis (EAU), Cheikh Abdallah ben Zayed Al-Nahyan, a effectué une visite officielle à Damas et s’est entretenu avec le président syrien, Bashar al-Assad, ce qui a marqué un changement positif dans les relations bilatérales. Les Émirats arabes unis ne sont pas le seul pays arabe à ouvrir la porte à la diplomatie et à rétablir le contact avec la Syrie. Plus tôt, en octobre 2021, le roi Abdallah II de Jordanie s’était entretenu au téléphone avec le président syrien, pour la première fois depuis le déclenchement de la guerre civile en Syrie.

Les succès diplomatiques avaient permis à la Syrie d’accélérer l’élaboration d’une nouvelle constitution et le rétablissement de la paix, mais aussi de faire rayonner un esprit d’harmonie et de réconciliation dans toute la région. S’exprimant à l’issue de son entretien à Abou Dhabi avec le président syrien, le prince héritier d’Abou Dhabi, le cheikh Mohammed bin Zayed Al-Nahyan, a dit espérer que la visite du président Bachar al-Assad ouvrira la voie à la paix et à la stabilité en Syrie et dans toute la région.

Le président syrien Bachar al-Assad (gauche) et le prince héritier d'Abou Dhabi, Mohammed bin Zayed Al-Nahyan, le 18 mars 2022. Photo: Reuters

Un tournant pour la géopolitique régionale et la promotion d’un esprit de réconciliation au Moyen-Orient

Selon les analystes, dans le contexte compliqué de la géopolitique régionale et mondiale, l’amélioration des relations entre la Syrie et les pays arabes porte des messages significatifs.

Premièrement, cela illustre la tendance à l’harmonie et à la réconciliation qui s’est formée ces dernières années au Moyen-Orient. Les preuves les plus évidentes de cette tendance sont la signature par Israël d’accords de paix supplémentaires avec trois pays arabes dont les Émirats arabes unis (2020), la désescalade des tensions dans les relations entre le Qatar et les cinq pays arabes (de 2017 à 2020) ou encore le renforcement du dialogue entre l’Iran et certains pays arabes dont l’Arabie Saoudite.

Deuxièmement, cela montre également que les pays du Moyen-Orient cherchent à reprendre leur autonomie et leur autodétermination sur les questions régionales ainsi qu’à échapper peu à peu à l’emprise et à l’influence des forces extérieures. Après la rencontre entre le ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis et le président syrien, à Damas en novembre 2021, l’administration américaine a immédiatement affirmé que Washington n’offrirait aucun soutien pour les efforts visant à normaliser ou à reconnaître le président Bachar al-Assad. Cependant, les Émirats arabes unis et les pays arabes n’ont cessé d’ouvrir la porte au dialogue avec la Syrie et de promouvoir la tendance à l’harmonie et à la réconciliation dans la région.

Force est de constater que la géopolitique de la région du Moyen-Orient a connu un changement radical et profond. Avec, en particulier, la tendance à la paix et à la réconciliation qui s’affirme, ouvrant la voie à la résolution de la guerre civile en Syrie, mais aussi d’une série d’autres problèmes historiques, dont le conflit persistant depuis des décennies entre Israël et le monde arabe.