Un résultat prévisible
Le Premier ministre britannique Rishi Sunak et son épouse à la sortie des urnes à Londres, le 4 juillet 2024. Photo : Reuters/AVI |
Ce résultat n’a rien de surprenant. Tous les sondages d’opinion effectués au Royaume-Uni depuis deux ans indiquaient que le parti travailliste d’opposition battrait le parti conservateur au pouvoir.
En effet, en l’espace d’une décennie, le parti conservateur s’est systémiquement affaibli. Le coup déclencheur aura été le référendum provoqué par le Premier ministre David Cameron sur le Brexit en 2016. L’activation de ce processus, qui était d’abord motivée par des calculs politiques internes des conservateurs, a poussé le Royaume-Uni dans une spirale infernale: rupture des relations avec l’Union européenne, pertes économiques colossales, lutte à la tête du parti conservateur ayant pour conséquence la succession de quatre Premiers ministres en trois ans.
Le fait de dépenser trop de ressources et de capital politique dans le Brexit et les trois ans de négociations post-Brexit ont affaibli les gouvernements concernés. De plus, la gouvernance chaotique et les scandales privés du Premier ministre Boris Johsnon durant la pandémie de COVID-19 ainsi que la stratégie économique calamiteuse de l’éphémère Liz Truss ont plongé la crédibilité du Parti conservateur à son plus bas niveau depuis des décennies. Par conséquent, les électeurs britanniques ont jeté leur dévolu sur le parti travailliste d’opposition, même si ce dernier a connu des troubles internes, voire une impasse politique sous la direction de Jeremy Corbyn, entre 2015 et 2020, comme nous le rappelle Mark Shanahan, professeur à l’université de Surrey.
“Je ne pense pas que le parti travailliste ait connu un progrès spectaculaire. Le fait est plutôt que le parti conservateur s’est significativement affaibli. Nous assistons aujourd’hui à la fin d’un cycle électoral ayant conduit les conservateurs au pouvoir depuis 14 ans. Ce cycle a vu se succéder David Cameron, Theresa May, Boris Johnson, Liz Truss et Rishi Sunak, sans apporter au pays aucune amélioration. C’est pourquoi les Britanniques pensent qu’il est temps de changer», analyse-t-il.
Partageant ce point de vue, Tim Bale, professeur en politique à l’université Queen Mary de Londres, estime que Rishi Sunak a dû hériter d’un patrimoine négatif de ses prédécesseurs, notamment d’un Boris Johnson qui avait fait voler en éclat la réputation d’unité et d’intégrité des conservateurs, avec ses fêtes organisées en plein confinement, et d’une Liz Truss qui a démenti la réputation de bonne gouvernance économique du parti avec une politique budgétaire pour le moins chaotique, ayant entraîné son départ au bout de seuls 50 jours au pouvoir. Toujours d’après Tim Bale, en profitant de l’affaiblissement des conservateurs, les travaillistes ont reçu un soutien imprévisible d’un grand nombre d’électeurs du Parti national écossais, déboussolés par la crise interne du parti depuis un an.
Quel changement pour le Royaume-Uni ?
Le leader du Parti travailliste britannique Keir Starmer lors de sa campagne électorale à Clay Cross, le 2 juillet 2024. Photo: Reuters/AVI |
Sa victoire électorale historique a donc permis au parti travailliste de reprendre le pouvoir après 14 ans. Sa campagne ayant eu pour seul slogan «Changement», Keir Starmer, le prochain Premier ministre britannique, a promis ce vendredi matin un «renouveau national».
“Le peuple s’est fait entendre à travers le pays. Il est prêt au changement, prêt à mettre fin à la politique des performances pour revenir à une politique au service du peuple. Les électeurs ont voté, et il est temps pour nous d’exécuter leur décision», a-t-il souligné.
Selon les dernières enquêtes, la majorité des Britanniques aspirent à des changements majeurs dans les domaines de la santé et de la sécurité sociale. Ils veulent également que la stratégie de transition écologique ne porte pas atteinte à leur portefeuille…
Sur le plan extérieur, David Lammy, qui est pressenti pour devenir le nouveau chef de la diplomatie britannique, a déclaré, à la presse internationale le 1er juillet dernier, que le gouvernement travailliste procéderait à trois changements majeurs dans sa politique étrangère. Il envisage en effet de renouer des relations avec l’Union européenne sur la base d’un nouveau traité de sécurité, d’élaborer une nouvelle politique climatique pour positionner le Royaume-Uni en première ligne des engagements climatiques et enfin, de redéfinir les relations de Londres avec le Sud global et les puissances moyennes dans un monde multipolaire.