Photo d'illustration
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Aux yeux de la Turquie, l’Union européenne fait deux poids, deux mesures. D’une part, elle lui demande de se comporter de façon responsable vis-à-vis des réfugiés syriens, y compris les membres de l’État islamique incarcérés en Syrie. D’autre part, plusieurs pays de l’Union ont déchu ces personnes de leur nationalité de façon à se débarrasser d’elles. Outré, le gouvernement turc affirme que son pays n’est pas un hôtel et qu’il fera tout pour renvoyer les membres de Daech chez eux.
Une réticence…
La Turquie envisage donc de rapatrier plus de 1200 militants étrangers de Daech qui sont actuellement détenus dans ses prisons et près de 300 autres qu’elle a arrêtés lors de sa dernière opération en Syrie. Et ce, sans se préoccuper de savoir si les pays d’origine acceptent ou non de les récupérer. Pour l’heure, seuls la France, les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Irlande ont dit oui.
Début 2019 encore, alors que le président américain Donald Trump appelait les pays concernés à récupérer leurs hommes partis combattre pour l’État islamique au Moyen-Orient, la ministre française de la Justice Nicole Belloubet affirmait que Paris n’avait pas encore adopté de politique à ce sujet et que le rapatriement serait étudié « au cas par cas ». La Grande-Bretagne a pour sa part catégoriquement refusé, estimant que les membres étrangers de Daech devaient être jugés là où ils avaient commis leurs crimes. La Suède partage cet avis tandis que l’Autriche justifie sa réticence par les nombreuses difficultés que pourrait engendrer le processus de rapatriement. Au niveau continental, l’UE n’a pris aucune décision, préférant laisser les gouvernements se débrouiller tous seuls.
Face à cette situation, le 12 novembre, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a appelé à conclure un accord international sur le sort des membres étrangers de l’État islamique incarcérés au Moyen-Orient. Pour lui, ce n’est ni à la Syrie ni à l’Irak de résoudre ce problème au profit d’autres pays.
… plus ou moins justifiée
Or, force est de constater que ces autres pays, essentiellement européens, ne sont pas du tout enclins à récupérer leurs ressortissants ayant combattu pour Daech, eux et leurs familles.
Les dirigeants européens craignent que ces personnes constituent des menaces sécuritaires pour le vieux continent, qui a subi ces dernières années de nombreuses attaques terroristes. Chaque mois, on découvre de nouveaux documents sur des complots terroristes fomentés par l’État islamique dans toute l’Europe. Ces documents détaillent la façon dont Daech dirige ses réseaux internationaux, transporte ses membres à travers les frontières, planifie ses braquages de banques, ses assassinats et ses cyberattaques. A en croire le service fédéral russe de la sécurité FBS, malgré leurs pertes colossales en Syrie et en Irak, les organisations terroristes État islamique, Al Qaïda et les groupes armés qui leur sont liés représentent toujours une sérieuse menace pour l’Europe.
Cette réticence des pays européens à récupérer leurs ressortissants ayant rallié les rangs de Daech semble donc être tout à fait justifiée. Néanmoins, ils ne doivent pas oublier qu’en plus de ce fameux millier de militants étrangers de l’État islamique, la Turquie abrite encore aujourd’hui plus de 3,6 millions de réfugiés. C’est là que se situe la plus grande inquiétude pour les Européens. Le président turc Erdogan a mis en garde l’UE : Si celle-ci qualifie d’invasion sa campagne « Printemps de la paix » dans le nord-est de la Syrie, alors Ankara laissera grandes ouvertes ses portes vers l’Europe pour les réfugiés.