Pourquoi la suspension?
Le lanceur de missiles balistiques de la Russie. Photo: Getty image |
La Russie a officiellement informé les États-Unis que toutes ses bases de lancement de missile, aériennes ou navales, où sont déployés les missiles nucléaires, seront temporairement exemptées d’inspection, a annoncé mercredi le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué.
Moscou affirme que le pays est obligé de recourir à cette mesure, car il avait de plus en plus de mal à mener ses propres inspections sur le sol américain. La diplomatie russe cite notamment les entraves aux voyages des inspecteurs russes et les difficultés liées à la délivrance des visas, provoquées par les sanctions occidentales imposées à Moscou en raison du conflit ukrainien. Les inspecteurs américains et les membres d’équipage de leurs avions n’ont pas de difficultés similaires, ajoute le communiqué. Toutefois, la Russie apprécie le rôle unique du traité New START dans ses relations avec Washington dans le domaine nucléaire. Elle assure qu’une fois avoir réglés les problèmes liés à la reprise des inspections dans le cadre du traité, elle annulera immédiatement sa décision annoncée lundi.
Les États-Unis se sont abstenus de critiquer cette annonce. Washington respecte l’accord New START mais souhaite que «les discussions entre les parties concernant la mise en œuvre du traité restent confidentielles", a indiqué un porte-parole du département d’État. Les principes de réciprocité, de prédictibilité et de stabilité mutuelles continueront à guider l’approche des États-Unis, a-t-il ajouté.
Quels sont les impacts sur la sécurité mondiale?
New START est le dernier accord bilatéral du genre liant les deux principales puissances nucléaires, après la sortie américaine de deux traités, l’un portant sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) et l’autre étant intitulé «Ciel ouvert».
Signé en 2010, l’accord limite les arsenaux des deux pays à un maximum de 1.550 ogives déployées chacune sur 700 lanceurs. Début 2021, les présidents Vladimir Poutine et Joe Biden l’ont prolongé pour cinq ans, soit jusqu’en 2026. Jusqu’ici, Moscou et Washington avaient chacun le droit d’effectuer un peu moins d’une vingtaine d’inspections mutuelles par an dans le cadre de ce traité.
Le 1er août, avant l’ouverture de la conférence onusienne sur la non-prolifération nucléaire organisée à New York, le président américain a proposé de négocier avec la Russie un nouvel accord qui remplacerait New START.
Le vice-président du Conseil de sécurité russe, Dimitri Medvedev, a exprimé ses doutes vis-à-vis de cette proposition.
Le fait est que les relations tendues entre les deux signataires ont bloqué les négociations d’un nouveau texte susceptible de remplacer le New START. La Russie a multiplié les avertissements contre une nouvelle course aux armements nucléaires, au cas où aucun nouvel accord ne serait trouvé. Selon les analystes, l’absence du New START risque de perturber la sécurité mondiale et de fragiliser le système des accords internationaux sur les armes nucléaires, dont les traités sur l’interdiction complète des essais nucléaires et sur la non-prolifération nucléaire.
En Asie, si la Chine s’implique dans une course aux armements stratégiques avec les États-Unis, les autres puissances telles que le Japon, la République de Corée et l’Australie pourront prendre des décisions indépendantes pour garantir leur sécurité. Le renforcement des capacités défensives chinoises, dans le contexte d’une détérioration des relations avec l’Inde, pourrait inciter celle-ci à réagir. Cette tendance risque de provoquer une nouvelle course aux armements nucléaires en Asie-Pacifique.
Force est donc de constater que la suspension du New START sera un grand pas en arrière pour les efforts de désarmement nucléaire.
Anh Huyên