Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi a confirmé le 7 juillet que son pays commençait à enrichir de l'uranium à un niveau prohibé par l'accord international sur son programme nucléaire. Téhéran a aussi menacé de s'affranchir d'autres obligations – sans toutefois préciser lesquelles – d’ici « 60 jours », à moins qu'une « solution » ne soit trouvée avec les autres signataires et garants de l’accord.
Des négociations toujours dans l’impasse
Signé en 2015 entre l’Iran et le groupe P5+1 (Russie, États-Unis, Royaume-Uni, France, Chine, Allemagne), l'accord sur le nucléaire iranien prévoit un contrôle de la production nucléaire iranienne en échange d'une levée progressive des sanctions économiques pesant sur le pays. Dans le cadre de cet accord, l'Iran ne peut enrichir l'uranium au-delà de 3,67 % pour les quinze prochaines années. Un plafond très en-deçà des 20 % d’enrichissement avant la signature de l'accord, et des 90 % requis pour la production d’armes nucléaires. Sur la même période, l’Iran ne pourra également pas stocker sur son territoire plus de 300 kilogrammes d’uranium enrichi à moins de 3,67 % sous forme d’UF6 (hexafluorure d’uranium, forme gazeuse de l’uranium avant son enrichissement), tout excédent devant être exporté ou dilué.
Toutefois, le 8 mai 2018, le président Donald Trump avait annoncé le retrait unilatéral des États-Unis de cet accord et la réimposition des sanctions contre l’Iran. Un an jour pour jour après le désengagement de Washington, dans un contexte de tensions ravivées avec les États-Unis, Téhéran avait décidé le 8 mai dernier de revenir sur « certains » de « ses engagements » pris dans le cadre de l’accord. Le dépassement du taux d’enrichissement de l’uranium au-delà du plafond instauré par l’accord avait été annoncé par la République islamique, qui avait par ailleurs lancé un ultimatum de « 60 jours » à l'Allemagne, la Chine, la France, la Grande-Bretagne et la Russie. Celui-ci avait pour objectif de pousser les signataires à trouver des solutions pour alléger les lourds effets des sanctions américaines sur l’économie iranienne, notamment dans les secteurs pétrolier et bancaire. Le délai de 60 jours a expiré le 8 juillet sans qu’un changement de la position américaine n’ait été observé.
Après l’échec des négociations, l’arraisonnement d'un navire iranien soupçonné de livrer du pétrole à la Syrie le 4 juillet dernier au large du territoire britannique de Gibraltar a semé la discorde entre l’Iran et l’Europe. Suite à cela, Téhéran a annoncé le dépassement de la limite imposée des 300 kilos d'uranium faiblement enrichi et la reprise de son projet de réacteur à eau lourde, situé à Arak, qui pourrait à terme « produire du plutonium ».
Lueur d’espoir dans le tunnel des négociations
Depuis le retrait unilatéral des États-Unis de l’accord nucléaire de 2015, Washington et Téhéran conservent avec fermeté leurs positions sans qu’aucun signe d’apaisement n’ait été constaté. Le non-respect de l’accord par l’Iran est perçu comme une forme de détermination dans la protection de ses intérêts.
Selon Téhéran, il s’agirait plutôt d’une réaction face aux États-Unis qui souhaiteraient imposer leur vision et face aux autres signataires qui n’auraient pas réalisé assez d’efforts pour préserver l’accord. A ce jour, l’Iran a rejeté toute proposition de négociation avec les États-Unis, insistant sur la perte de confiance mutuelle. La preuve d’une grande méfiance transparaît par la tenue d’une réunion extraordinaire de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), le mercredi 10 juillet sur demande américaine, pour faire le point sur les libertés prises par l'Iran.
Dans ce contexte de vives tensions, l’Union Européenne apparaît comme l’unique acteur capable de résoudre ce conflit. Le président français Emmanuel Macron a décidé de dépêcher mardi et mercredi en Iran son conseiller diplomatique, Emmanuel Bonne, pour rencontrer les autorités iraniennes afin de travailler sur une "désescalade". Les autres pays signataires souhaitent accélérer la création d’une commission commune. Malgré ses menaces, Téhéran laisse encore la porte ouverte aux pourparlers et souhaite avancer. Cependant, l’UE devrait rester prudente puisque toute erreur pourrait conduire à l’effrondrement total de cet accord déjà fragile.