Élaboré par les envoyés spéciaux américain et russe, le document reprend la logique d’un précédent plan appliqué à Gaza en septembre, qui avait alors bénéficié d’un relatif consensus.
Une nouvelle tentative de paix
Ce projet repose sur quatre piliers: l’instauration d’une paix durable en Ukraine, la garantie de la sécurité régionale, le renforcement de l’architecture européenne et la définition des relations futures entre Washington, Kiev et Moscou.
La proposition initiale prévoyait que l’Ukraine renonce à certaines portions du Donbass, ainsi qu’aux régions de Kherson et Zaporijjia, en plus de la Crimée. Kiev serait également tenue de renoncer à une adhésion à l’OTAN et de limiter son armée à 600.000 hommes. En échange, quelque 100 milliards de dollars d’avoirs russes gelés seraient transférés dans un fonds américain destiné à la reconstruction de l’Ukraine.
Ce plan original a suscité une vive opposition de Kiev et de plusieurs alliés européens, jugé trop favorable à Moscou.
«Ce plan en 28 points comporte, en réalité, plusieurs éléments impossibles à envisager comme base de négociation du point de vue ukrainien. Il prévoit notamment une réduction drastique des capacités militaires ukrainiennes et, plus préoccupant encore, des concessions territoriales au profit de la Russie, y compris sur des zones du Donbass que Moscou ne contrôle pas à l’heure actuelle», indique Jaroslava Barbieri, chercheuse au Forum ukrainien de l’institut britannique Chatham House.
Face aux critiques, Washington a renoncé à la date butoir du 27 novembre pour obtenir une réponse ukrainienne. Une rencontre organisée le 23 novembre à Genève entre Américains, Européens et Ukrainiens a permis de revoir le texte, désormais ramené à dix-neuf points. À l’issue de ces discussions, Washington comme Kiev parlent de «progrès réels». Plusieurs responsables européens jugent que les intérêts de l’Ukraine ont été mieux intégrés dans la nouvelle mouture.
Le 25 novembre, trente-six pays de la «Coalition de bonne volonté» ont tenu une réunion virtuelle avec Kiev pour soutenir les principes défendus par l’Europe. Pour le ministre allemand des Affaires étrangères, Johann Wadephul, la Russie doit désormais «clarifier ses intentions».
Le président français Emmanuel Macron, lui, estime que le document américain constitue «une base de travail», tout en appelant à la prudence.
«Le plan qui a été proposé par les États-Unis, c’est une démarche qui va dans le bon sens, la paix. Ensuite, il y a des éléments dans ce plan qui méritaient d’être discutés, négociés, améliorés», a-t-il indiqué.
Réaction de Moscou
Reste une interrogation centrale: la manière dont Moscou réagira aux amendements élaborés conjointement par Washington, Kiev et plusieurs capitales européennes. Le 24 novembre, Yuri Ushakov, conseiller diplomatique du président russe Vladimir Poutine, a écarté les amendements européens, jugés «non constructifs». Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a refusé de commenter les discussions de Genève, indiquant que Moscou n’examinerait que «des propositions officielles». Il a rappelé que la Russie attendait un plan conforme aux engagements pris lors du sommet entre les présidents Poutine et Trump en août, en Alaska.
Pour tenter de lever ces ambiguïtés, Donald Trump a dépêché le 25 novembre son émissaire Steve Witkoff à Moscou. Parallèlement, le secrétaire américain à l’Armée, Dan Driscoll, aurait rencontré une délégation russe à Abou Dhabi, capitale des Émirats arabes unis. Le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, s’est voulu prudemment optimiste, tout en rappelant que toute feuille de route n’aurait de valeur qu’à condition d’être acceptée à la fois par Kiev et par Moscou.
«Il est évident que la Russie devra, elle aussi, se reconnaître dans ce plan: dès le début, nous avons cherché à comprendre sa position par divers canaux. Quoi qu’il ait été obtenu à Genève, il faudra donc vérifier si ces avancées peuvent être acceptées à la fois par l’Ukraine et par la Russie. C’est l’un des enjeux essentiels du moment: sans l’accord de Moscou, ce plan restera lettre morte», dit-il.
Un désaccord persistant concerne le format même des pourparlers. L’Ukraine et ses partenaires européens exigent d’être associés à l’ensemble des discussions. La Russie et les États-Unis préfèrent maintenir un canal bilatéral et écartent toute formule tripartite. Donald Trump a d’ailleurs affirmé qu’il ne réunirait les dirigeants russe et ukrainien qu’en cas de «probabilité sérieuse» d’accord.
Alors que les discussions se poursuivent, les divergences de fond entre les acteurs laissent entrevoir un processus encore long et incertain, loin d’une résolution rapide du conflit.