Nous rencontrons Norng Chan Phal dans l’après-midi du 31 décembre 2018 au musée du génocide de Tuol Sleng. Le musée est l’ancienne prison S-21, la plus tristement célèbre des 196 prisons que la dictature khmère rouge avait disséminées à travers le Cambodge durant les années 1970. Ici, quelque 20.000 adultes et enfants ont été torturés et exécutés. Norng Chan Phal est l’un des quatre enfants à avoir survécu à cet enfer. Il a été sauvé par les soldats volontaires vietnamiens venus aider les forces armées cambodgiennes à renverser le régime de Pol Pot et à libérer Phnom Penh, au début du mois de janvier 1979. Norng Chan Phal se souvient :
« J’étais enfermé dans une cellule pleine de gens. Je n’ai été témoin d'aucune scène d’exécution mais j’entendais les cris des victimes qui s’éteignaient peu à peu».
Norng Chan Phal n’oubliera jamais le moment où lui et son petit-frère ont été séparés de leur mère et transférés dans une autre cellule de la prison. Ce fut la dernière fois qu’ils virent leur mère. Le 7 janvier 1979, jour de la libération de la prison par les soldats vietnamiens, marque pour lui la fin de la période la plus noire de sa vie.
« Les soldats vietnamiens ont pénétré dans la prison pour nous libérer. Ils nous ont donné de nouveaux habits. Nos corps étaient couverts de piqûres de moustiques et d’insectes. Nous n’avions plus rien à manger depuis plusieurs jours. Ils nous ont donné à manger avant de partir».
Arborant dans sa main la photo de 4 enfants nus portés par des soldats vietnamiens, Norng Chan Phal se souvient :
«S’ils étaient arrivés seulement quelques jours plus tard, notre destin aurait été pareil à celui des milliers d’enfants morts dans cette prison. Ils nous ont sauvé la vie. Nous avons été soignés par les soldats vietnamiens dans un orphelinat. Ils nous considéraient comme leurs enfants. Parfois, ils venaient pour nous faire sortir ou simplement nous offrir des noix de coco. Depuis le retrait des soldats vietnamiens dans les années 80, je n’ai plus eu aucune nouvelle d’eux. J’espère les retrouver un jour».
De 1975 à 1978, le régime de Pol Pot a exterminé environ 2 millions de personnes, soit 25% de la population cambodgienne recensée en 1975. Il s’agit de l’un des régimes les plus barbares de l’histoire mondiale du 20e siècle. Les souvenirs et les traces historiques de cette période tragique sont encore présents partout au Cambodge. À seulement 15 kilomètres au sud de Phnom Penh se trouvent les champs de la mort de Choeung Ek.
Chour Sok Ty, le directeur du site explique :
“Nous sommes reconnaissants aux soldats vietnamiens qui ont aidé notre pays à renverser le régime génocidaire de Pol Pot. S’il n’y avait pas eu la victoire du 7 janvier 1979, il n’y aurait pas le Cambodge d’aujourd’hui».
Selon le ministre du Tourisme Thong Khon, l’image des soldats et des experts volontaires vietnamiens est toujours dans le coeur de chaque Cambodgien.
« La victoire du 7 janvier 1979 a permis à notre nation de renaître. Les liens de solidarité, d’amitié, de coopération et d’entraide entre le peuple vietnamien et le peuple cambogien sont indéfectibles».
Des dizaines de milliers de soldats volontaires vietnamiens sont morts pour aider le Cambodge à sortir du régime génocidaire. Leurs sacrifices sont gravés dans l’histoire du Cambodge.