Le multilatéralisme en péril: L'ONU lance un cri d'alarme face aux désengagements internationaux

Quang Dung
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(VOVWORLD) - Le multilatéralisme, pilier de la paix, de la sécurité et du développement mondial, traverse sa période la plus critique depuis des décennies, alerte l'Organisation des Nations Unies (ONU). Cette mise en garde intervient alors que des signes de recul des engagements internationaux se multiplient, suscitant de vives inquiétudes quant à la capacité de la communauté internationale à relever les défis planétaires
Le multilatéralisme en péril: L'ONU lance un cri d'alarme face aux désengagements internationaux - ảnh 1Photo: Reuters

Le 22 juillet, les États-Unis ont confirmé leur retrait de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). Cette décision illustre les défis croissants auxquels est confronté le multilatéralisme, dont l'ONU demeure le pillier central.

Des retraits en cascade et une crise budgétaire

Ce n'est pas la première fois que Washington se désengage d'institutions internationales sous l'égide de l'ONU. Plus tôt cette année, dès le début du mandat de Donald Trump, les États-Unis s'étaient déjà retirés de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies (CDHNU) et de l'Accord de Paris sur le climat de 2015. La raison invoquée: ces structures ne seraient plus en phase avec le "nouvel agenda mondial" américain.

Ce désengagement progressif de la première économie mondiale, également le principal contributeur financier de l'ONU et de ses agences, met en lumière les difficultés actuelles du multilatéralisme. Lors d'une session du Conseil de sécurité de l'ONU consacrée à “la paix, la sécurité et le multilatéralisme” tenue le 22 juillet, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a exprimé sa vive inquiétude: 

"Nous assistons partout dans le monde à un mépris, voire à une violation du droit international, y compris le droit international des droits de l'homme, le droit international des réfugiés, le droit international humanitaire et même la Charte des Nations Unies, sans qu'aucune partie ne soit tenue responsable."

Au-delà de la remise en question des principes fondamentaux, les institutions multilatérales, et l'ONU en particulier, font face à des difficultés opérationnelles majeures. Un rapport du mois de mars de l'ONU a révélé une grave crise budgétaire, due aux contributions tardives ou incomplètes des États membres. En mars, seuls 75 des 193 États membres avaient honoré leurs obligations financières pour 2025. Début mai, seuls 1,8 milliard de dollars avaient été versés sur un budget annuel de 3,7 milliards de dollars. La dette cumulée des années précédentes s'élève à 2,4 milliards de dollars, dont 1,5 milliard dû par les États-Unis et près de 600 millions par la Chine. La Force de maintien de la paix de l'Organisation des Nations Unies accuse un déficit de 2,7 milliards de dollars au 30 avril.

Cette situation contraint l'ONU à procéder à d’importantes coupes budgétaires et des réductions drastiques de personnel. Guy Ryder, secrétaire général adjoint chargé des politiques et président du groupe de travail ONU80 (le groupe de réforme pour le 80e anniversaire de l'ONU), l’a souligné dans une récente déclaration:

"Nous devons revoir notre budget pour 2026, ce qui inclut des réductions drastiques à la fois du budget et des postes. C'est notre réalité actuelle. La question n'est pas de choisir l'un ou l'autre, c'est-à-dire de réduire les activités ou l'efficacité. Nous devons concilier les deux tâches, à savoir assurer la viabilité financière en cette période difficile, tout en tenant compte des impacts sur l'exécution de nos responsabilités conformément à la Charte des Nations Unies."

Le multilatéralisme en péril: L'ONU lance un cri d'alarme face aux désengagements internationaux - ảnh 2Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU. Photo: Reuters

L'appel à la réforme et à l'action concrète

Face à l’érosion du multilatéralisme, de nombreux pays et organisations appellent à une mobilisation urgente pour le préserver. La priorité consiste à promouvoir des réformes en profondeur, afin de restaurer la capacité d'action collective, et de consolider la légitimité de l'ONU et de ses agences. Le 21 juillet, un Sommet de haut niveau pour la démocratie a réuni plusieurs nations sud-américaines (Brésil, Chili, Uruguay, Colombie) et l'Espagne à Santiago, au Chili. Les participants ont plaidé en faveur d’une protection renforcée du multilatéralisme pour faire face ensemble aux grands les défis mondiaux, tels que l'aggravation des inégalités, la désinformation, et les implications des technologies numériques et de l'intelligence artificielle.

Bob Rae, président du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC), a dressé un parallèle inquiétant entre la situation actuelle et le début du XXe siècle, période précédant la création de l'ONU, marquée par des crises économiques, la montée des nationalismes extrêmes et la fragmentation commerciale, qui ont conduit à des conflits géopolitiques incontrôlables. Il insiste sur l’urgence pour les États membres et l'ONU de tirer les leçons de l’histoire afin de se réinventer et bâtir un multilatéralisme à la hauteur des défis contemporains. 

"Nous devons réaffirmer l'importance de l'ONU par les résultats, démontrant ainsi que le multilatéralisme apporte des avantages réels et tangibles à tous, à tous les niveaux de la société. Cela implique une collaboration accrue avec la société civile, le secteur privé, la jeunesse, les autochtones et, surtout, les autorités locales, car c'est là que les objectifs que l'ONU s'est fixés sont mis en œuvre", a-t-il indiqué.

Malgré les contraintes liées à son propre mécanisme de répartition du pouvoir, notamment sur les questions de paix et de sécurité, l'ONU conserve un rôle indispensable dans la gouvernance mondiale. Son action est cruciale pour atteindre les objectifs de développement économique, social et environnemental dans chaque pays, ainsi que pour la coordination régionale. Le rôle de l'ONU dans la promotion des 17 objectifs de développement durable (ODD) ou dans la lutte contre la crise climatique demeure irremplaçable. Protéger et promouvoir le multilatéralisme, avec l'ONU en son centre, reste donc le choix le plus pertinent pour la majorité des nations.

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