Le négociateur de Washington, Zalmay Khalilzad (gauche) et le chef politique des talibans, Abdul Ghani Baradar. Photo: Reuters |
L’accord signé entre le négociateur de Washington, Zalmay Khalilzad, et le chef politique des talibans, Abdul Ghani Baradar, prévoit un retrait total de toutes les forces étrangères d’Afghanistan dans un délai de 14 mois et la tenue de négociations entre les talibans et le gouvernement de Kaboul, dès le 10 mars prochain.
Le départ des troupes américaines et de l’OTAN est subordonné au respect, par les talibans, de leurs engagements sécuritaires et aux progrès des pourparlers de paix à venir avec le gouvernement du président Ashraf Ghani. «Si les talibans et le gouvernement afghan parviennent à respecter leurs engagements, nous aurons une voie toute tracée pour mettre fin à la guerre et ramener nos soldats à la maison», a déclaré le président américain Donald Trump.
Si cet accord a été salué par les Nations Unies, l’Union européenne et les dirigeants de plusieurs pays à travers le monde, de nombreux observateurs estiment toutefois qu’une véritable paix sera difficile à obtenir.
Un vide sécuritaire et le risque de désengagement des talibans
Les soldats américains en Afghanistan. Photo: NYT
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D’après les analystes, le plus grand risque encouru après le retrait des troupes américaines serait le soulèvement des talibans. Selon eux, un retrait graduel d’un quart des troupes américaines (de 12.000 actuellement à 8.600 d'ici à 135 jours), pourrait créer un grand vide sécuritaire que les forces afghanes auraient du mal à combler. Les forces de la coalition restantes et l’armée afghane deviendraient alors des cibles pour des jihadistes d’Al-Qaïda ou du groupe Etat islamique qui opèrent dans le pays.
Selon un ancien conseiller de l'état-major américain, Carter Malkasian, la situation pourrait déraper si les forces américaines se retiraient totalement avant qu'un accord politique ne soit conclu entre les talibans et le gouvernement afghan. «Une fois que nous serons partis, les talibans pourraient juger que l’équilibre des forces a changé et vouloir reprendre les armes contre l'armée afghane», a-t-il averti au cours d'une récente conférence du Council on Foreign Relations.
Or, l’hypothèse selon laquelle les talibans et le gouvernement afghan ne parviendraient pas à une conciliation politique semble réaliste. Le gouvernement afghan a en effet jugé inacceptable de ne pas avoir pris part aux pourparlers américano-talibans et le président Ashraf Ghani a rejeté l’échange prévu dans l’accord de 5.000 prisonniers talibans contre 1.000 soldats des forces afghanes détenus par les rebelles.
Les défis sur le désarmement des insurgés et leur réinsertion sociale
Malgré la signature de cet accord avec les talibans, les États-Unis resteront confrontés à de nombreux défis en Afghanistan, que ce soit le désarmement des insurgés ou leur réintégration dans la société. Selon les spécialistes, un accord de paix durable nécessiterait l’intégration des talibans au sein de l’armée afghane. Dans un rapport publié fin 2019, l’Inspecteur général pour la reconstruction de l’Afghanistan, John Sopko, affirme que le retour à la vie civile des combattants et leur acceptation par la société sont des processus longs et complexes. Pour mettre en place les conditions d’une concorde civile, les États-Unis devront donc être prêts à investir massivement dans un programme de reconstruction du pays, faute de quoi les quelque 60.000 talibans pourraient replonger dans la violence.
Si à ce jour, personne ne sait de quoi sera fait l’avenir ni ne connaît les intentions réelles des talibans, cet accord représente tout de même le meilleur espoir pour un peuple qui a enduré deux décennies de guerre.