Une libellule en bambou vaut entre 5 mille et 10 mille dongs. A ce prix-là, difficile de résister ! Et puis imaginez un peu… Vous allez à la pagode Tây Phuong : ça tombe bien, c’est à proximité de Thach Xa dont ces fameuses libellules en bambou sont devenues la spécialité artisanale. Après une promenade spirituelle, c’est quand même agréable de s’attarder un peu, dans un village, ne serait-ce que pour apprécier l’habileté de ses habitants.

Dô Van Liên, l’un des plus habiles d’entre eux, nous explique comment il fait.      
« On commence par couper un morceau de bambou qu’on rabote avant de le faire sécher. Après, on découpe les ailes, le corps, la tête… Et puis on assemble le tout, mais c’est là que ça devient compliqué parce qu’il faut veiller à ce que ça puisse tenir en équilibre… »  
Dans le village, les artisans fabriquent des libellules et les enfants s’amusent avec, exactement comme si les premiers étaient au service des seconds… C’est Nguyên Van Tai qui tient le plus grand atelier de Thach Xa, aidé en cela par son épouse.    
« J’ai été le premier à fabriquer des libellules, à Thach Xa. Au début, ce n’était qu’un passe-temps pour amuser les enfants. Et puis petit-à-petit, ça a commencé à se vendre, à bien se vendre et du coup, c’est devenu pour moi un métier à part entière. Et vous savez, c’est vraiment ici, dans ce village, qu’on trouve les plus belles libellules : elles tiennent toutes parfaitement en équilibre. »     
Eh oui, les libellules en bambou sont rapidement devenues la fierté des habitants de Thach Xa. Alors naturellement, il y a bien des bambouseraies dans le village mais les artisans préfèrent faire venir des matières premières des  provinces de Vinh Phuc, Hoà Binh et Tuyên Quang où l’on trouve des bambous à la fois minces et solides. C’est dire à quel point ils sont perfectionnistes, ces artisans. Question minutie et précision, ils n’ont rien à envier aux horlogers suisses qui passent pourtant pour d’indétrônables champions en la matière.    
Une réussite artisanale, donc, à laquelle vient s’ajouter une autre réussite, commerciale celle-là. Nguyên Van Tai, encore une fois :
« Des libellules en bambou de Thach Xa, on en trouve partout au Vietnam. Dans tous les grands centres touristiques, Hanoï, Hoi An, Dà Nang, Nha Trang, Phu Quôc et Ho Chi Minh-ville, on en trouve. Mais ce n’est pas tout parce qu’elles s’exportent, nos libellules : aux Etats-Unis, en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne, au Japon. Moi, j’ai souvent des commandes qui viennent de l’étranger… »     
« Pour moi, une petite libellule a autant d’importance qu’un aigle », disait Joan Miro, le peintre catalan, qui aurait certainement adoré ces petits objets pleins de couleur et de poésie. Quant aux habitants de Thach Xa, ces libellules leur auront donné des ailes et permis de prendre leur envol…