Un sommet tourné vers la reconstruction
Le sommet Royaume-Uni–UE, le premier du genre à se tenir sur le sol britannique depuis la sortie du pays de l’Union, a donné lieu à la signature de trois accords stratégiques. Ces textes visent à renforcer la coordination dans les domaines de la défense, à stabiliser les échanges commerciaux et à sécuriser l’approvisionnement énergétique.
Le Premier ministre britannique Keir Starmer a salué «un tournant décisif» dans les relations bilatérales, soulignant une volonté partagée de «tourner la page» des divisions provoquées par le Brexit. Sur le plan économique, les accords visent à relancer les exportations britanniques vers le continent, en net recul depuis 2016 (21%). Downing Street estime que ces nouvelles ententes pourraient générer jusqu’à 12 milliards de dollars de revenus annuels supplémentaires.
Dans une intervention devant le Parlement le 20 mai, M. Starmer a insisté sur les priorités qui ont guidé les négociations: réduire le coût de la vie, créer des emplois et renforcer la sécurité nationale. Il a également positionné ce rapprochement comme complémentaire aux récents accords commerciaux conclus avec les États-Unis et l’Inde, y voyant un rééquilibrage du rôle international du Royaume-Uni.
L’un des volets les plus sensibles concerne la pêche. L’accord signé pour une durée de douze ans autorise les navires européens à continuer d’opérer dans les eaux britanniques, en échange de facilités d’accès pour les produits agricoles et halieutiques britanniques sur le marché européen.
L’opposition à Westminster a exprimé des réserves, évoquant une menace potentielle pour les intérêts des pêcheurs locaux. Néanmoins, les analystes considèrent ce compromis comme un signal du pragmatisme désormais affiché par Londres dans sa relation avec Bruxelles.
"Ces accords sont significatifs dans le contexte post-Brexit, car ils illustrent un changement d’attitude du Royaume-Uni, qui semble désormais prêt à s’aligner, au moins partiellement, sur les règles du marché européen — son principal partenaire commercial, représentant environ la moitié de ses échanges",estime David Henig, expert en commerce international au Centre européen pour l'économie politique internationale (ECIPE).
Du côté européen, la signature de ces accords est perçue comme une victoire diplomatique. L’ouverture du Royaume-Uni à certaines réglementations communautaires confirme l’influence persistante de l’Union européenne dans le cadre de cette nouvelle relation post-Brexit.
“Nous ouvrons un nouveau chapitre dans une relation unique. Il s’agit de deux partenaires historiques et naturels, unis par des défis communs, des valeurs et des intérêts partagés. C’est sur cette base que nous avons recherché des solutions bénéfiques pour les citoyens des deux côtés”, a déclaré la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Une alliance sécuritaire renforcée
Malgré ce rapprochement, les deux parties ont clairement affirmé leurs lignes rouges. Le Royaume-Uni n’envisage pas de réintégrer le marché commun ni l’union douanière, et entend maintenir des contrôles stricts sur la libre circulation. De son côté, l’Union européenne reste prudente quant à l’octroi de conditions préférentielles sans contreparties. Ces accords offrent au Royaume-Uni un accès renforcé au marché européen, dans des conditions que ne partagent aucun autre pays situé en dehors de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, y compris les membres de l’AELE tels que la Norvège, la Suisse, l’Islande et le Liechtenstein.
Au-delà des questions économiques, la sécurité occupe une place centrale dans le nouvel agenda bilatéral. Le traité de défense signé à Londres prévoit l’accès du Royaume-Uni au Fonds européen de défense de 141 milliards d’euros, en contrepartie d’une contribution financière. À long terme, le Royaume-Uni pourrait participer de manière plus active et approfondie au programme de "Réarmement européen" de 800 milliards d’euros (905 milliards de dollars), initiative annoncée par Ursula von der Leyen en mars dernier. Ce mouvement intervient alors que les équilibres géopolitiques évoluent, en particulier face au conflit en Ukraine et à la réorientation partielle de la politique étrangère américaine.
Olivia O’Sullivan, directrice de recherche sur le Royaume-Uni au programme mondial de Chatham House, estime que la diminution des engagements américains en Europe oblige le Royaume-Uni et l'UE à resserrer leurs liens sécuritaires.
"C’est un tournant significatif dans la politique de sécurité des États-Unis, qui appelle une réponse coordonnée de la part des pays européens — non seulement à travers une hausse des dépenses de défense, mais aussi via des investissements conjoints, une planification partagée et une réflexion approfondie sur la mutualisation des capacités nécessaires à la défense du continent", explique-t-elle.
En parallèle de l’accord de sécurité et de défense signé avec l’Union européenne, Londres renforce ses partenariats bilatéraux avec plusieurs grandes puissances européennes. Un accord de développement de missiles à longue portée a été conclu avec l’Allemagne, tandis qu’une coopération avec la France vise à créer une «coalition des volontaires» pour la défense de l'Ukraine, en anticipation d’un éventuel cessez-le-feu durable.